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Le Parti Socialiste portera-t-il les droits des homosexuels en 2012 ?

7 Nov

Avec la création du PACS à la fin des années 1990, le gouvernement socialiste de Lionel Jospin avait posé une première pierre pour la reconnaissance juridique du couple homosexuel. Dix ans plus tard, en pleine préparation du programme pour la présidentielle de 2012, le PS va-t-il reboiser le no man’s land des droits des gays en France?

La Convention sur l’égalité réelle qui fait suite à la Convention sur la politique extérieure, sera le moment d’aborder une thématique chère aux socialistes : l’égalité entre les citoyens. C’est un point sur lequel le PS devrait pouvoir se distinguer assez facilement de l’UMP pendant la campagne (surtout si les nouveaux tea party à la française font entendre leur voix et amènent le débat médiatique sur ce terrain). Contrairement à la prudence en demi-teinte de 2007, on espère que le PS pourra créer un boom progressiste lors de la campagne avec des propositions fracassantes.

L’accession à une reconnaissance juridique et sociale pour les homosexuels doit s’imposer comme une évidence et ne pas être évincée pour des raisons électoralistes. Le groupe Homosexualité et Socialisme (HES) a publié à la mi-octobre une contribution en vue de la Convention sur l’égalité réelle. Les adhérents de l’association se sont accordés sur vingt propositions dont vous pouvez retrouver le détail sur le site de HES:

  1. Nous lutterons contre les violences et les discriminations à l’école et à l’université.
  2. Nous lutterons contre les violences et les discriminations au travail.
  3. Nous lutterons contre les violences et les discriminations dans tous les territoires.
  4. Nous donnerons à la HALDE les moyens d’agir.
  5. Nous généraliserons les formations des professionnels aux réalités des familles LGBT.
  6. Nous lutterons contre les discriminations qui visent les personnes âgées LGBT.
  7. Nous reconnaîtrons le droit des personnes à déterminer leur genre.
  8. Nous garantirons aux personnes trans l’accès aux soins et le libre choix du médecin.
  9. Nous mènerons un combat permanent contre le VIH/Sida.
  10. Nous garantirons aux séropositifs l’accès aux traitements et à des soins de qualité.
  11. Nous lutterons contre la sérophobie.
  12. Nous n’exclurons plus les gays du don de sang.
  13. Nous perfectionnerons le pacs.
  14. Nous ouvrirons le mariage à tous les couples.
  15. Nous ne réserverons plus l’adoption aux hétérosexuels.
  16. Nous protégerons les liens qui unissent l’enfant et les adultes qui l’élèvent.
  17. Nous ouvrirons la procréation assistée à toutes les femmes, sans discrimination.
  18. Nous ouvrirons la procréation assistée à tous les parents de sexe différent.
  19. Nous encadrerons la gestation pour autrui.
  20. Nous reconnaîtrons aux personnes trans le droit de fonder une famille.

Voilà qui devrait servir de base de travail pour la préparation du texte de la Convention. La proposition n°3 est particulièrement importante puisqu’elle prend acte des inégalités territoriales : les quartiers sensibles, les zones rurales ou encore certains départements d’Outre-mer sont visés à cause de la pression homophobe qui y règne parfois.

En réalité, il y a deux types de mesures  : des mesures relativement consensuelles qui ne devraient pas permettre à la gauche de se distinguer face à la droite (lutte contre l’homophobie, combat contre le Sida) et des mesures réellement percutantes et progressistes (la 14 et la 15) qui lui permettraient de devenir la championne des droits gays face à l’UMP qui choisira à coup sûr le conservatisme ou le silence sur ces questions.

Les militants gays attendent un engagement ferme du Parti Socialiste. En 2007, on avait eu l’impression qu’une certaine gêne engourdissait le discours politique de la gauche. Bien qu’inscrits dans le programme PS, le mariage gay et l’homoparentalité n’avaient pas été un des fers de lance de la campagne. C’était peut-être un tort. Quand on propose un changement profond de la société en modifiant par la loi la conception séculaire de la structure familiale, il faut l’assumer pleinement. Il est temps d’arrêter de considérer les français comme des homophobes qui ne voudraient pas entendre parler de ces questions et pousser ainsi la droite dans ses retranchements conservateurs pour faire émerger sa désuétude.

La position des leaders du PS sur le mariage et l’adoption a évolué au cours des années 2000. Pendant les primaires de 2004, suivant un sondage qui indiquait que 64% des français étaient favorables au mariage gay, Dominique Strauss-Khan avait lancé un pavé dans la mare en se déclarant favorable au mariage homosexuel dans Libération. Lionel Jospin avait brutalement cassé cette dynamique, en déclarant dans le Journal du Dimanche : « «On peut réprouver et combattre l’homophobie tout en n’étant pas favorable au mariage homosexuel.» Ce positionnement de l’ancien Premier ministre avait même réjoui certains membres influents du PS comme le député de la Drôme Eric Besson fermement opposé au mariage et à l’adoption par des couples homosexuels (depuis cette époque, il a choisi un autre camp plus favorable à ces idées). Lionel Jospin avait aussi donné une caution à ceux qui se voulait plus discret sur la question : Guigou, Royal, Ayrault , Glavany, Lebranchu, Emmanuelli, … bref, tous les vieux de la vieille ! Pourtant, François Hollande, alors à la tête du PS, avait immédiatement confirmé Strauss-Khan, en espérant peut-être avancer une idée forte du PS à un moment où le gouvernement Raffarin trébuchait sur le sujet depuis l’annonce par Noël Mamère de la célébration d’un mariage entre personnes de même sexe dans sa mairie de Bègles.

Malgré ses réserves, pour se mettre sur la même ligne que ses concurrents, Ségolène Royal s’était déclarée en faveur du mariage homosexuel pendant les primaires tout en adoptant un discours à géométrie variable pendant la campagne de 2007. Le débat qui avait eu lieu entre les 3 candidats des primaires montrait que le monopole de la conviction revenait à Dominique Strauss-Kahn.

Une candidature de Strauss-Kahn serait-elle une opportunité positive pour l’avancée des droits gays? Certainement, sous réserve de cohérence par rapport à son positionnement en 2007.
Qu’en est-il des autres possibles candidatures ?

Martine Aubry porte, comme souvent, un discours beaucoup plus sincère et nuancé que les autres en avouant que malgré ses hésitations premières, elle est désormais une fervente supportrice du mariage et de l’adoption.

Benoit Hamon, bien qu’ayant étrangement participer à l’argumentaire FN dans l’affaire Frédéric Mitterrand, avait fait des propositions fortes au Congrès de Reims. Seule la motion qu’il soutenait, représentant l’aile gauche du Parti socialiste, prenait le temps de ne pas survoler le problème. Cela se traduisait, dans la forme, par un paragraphe spécifique intitulé «Lutter contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle». Et sur le fond: «Le droit de chacun à vivre sa sexualité doit enfin devenir un droit fondamental dans une société moderne de liberté. Pour cela il faut commencer par lutter avec la plus grande fermeté contre les discriminations homophobes. Le pacs a constitué une avancée indéniable pour la reconnaissance officielle et les droits des gays et des lesbiennes. Il est temps aujourd’hui de le compléter par de nouveaux droits.» Pacs signé en mairie, égalité pour la retraite, la pension de réversion, veuvage, succession, imposition commune, titre de séjour pour les couples binationaux pacsés, lutte contre la transphobie, mariage, adoption et débat sur la procréation médicalement assistée: cette dernière motion semble décidément ne rien avoir oublié…

Quant au dilettante de l’Essonne Manuel Valls, on peine à lui attribuer un message audible sur la question…

Pour conclure, on aimerait qu’en 2012, le Parti Socialiste s’aligne sur son homologue espagnol et devienne le porte-parole qui nous manque pour défendre nos droits !